5 descendants de travailleurs indiens engagées de Guadeloupe et de Martinique

Si l’on se réfère à ce que beaucoup pensent, les Antilles et la région Caraïbe, sont des endroits ou les populations sont exclusivement descendantes de populations africaines.

Alors, oui, une grande majorité des personnes d’origine caribéenne descendent d’esclaves africains. Puisque le nombre d’africains qui ont été déportés vers cette région du monde, est élevé, par rapport aux autres migrations humaines.

Mais général, on a souvent tendance à oublier que d’autres groupes humains sont arrivés avant ou après la présence des africains aux Antilles. De ce fait, très peu savent qu’il y a des communautés indiennes, chinoises, syriennes, libanaises, ou portugaises, dans les différents territoires de la caraïbe. Les gens n’ont pas conscience que le peuple caribéen est un mixte de toutes ces populations, qui ont été amenées à cohabiter ensemble.

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Paroles d’esclaves avec Jessica Maëlie Cheral (Guadeloupe)

Hello à tous, aujourd’hui, je reviens vers vous, avec un article pas comme les autres. Suite à de nombreux échanges, je me suis aperçu que beaucoup d’entre vous, avez eu la chance de connaître vos arrière-grands-parents. Des ancêtres avec qui vous avez eu l’opportunité d’échanger avec, sur leur époque ou ceux de leurs propres ancêtres.

À travers ces récits, Jessica Maëlle Cheral souhaite nous partager les récits de ces deux arrière-grands-mères, toutes deux descendantes d’une arrière-grand-mère qui a vécu l’esclavage en Guadeloupe.

Oui, vous avez bien lu, Jessica possède en elles, de nombreuses anecdotes que ses aïeux esclaves ont vécus. Elle a eu cette chance de connaître ses ainés qui ont suffisamment vécu longtemps, pour avoir le temps de lui transmettre des récits précieux.

Durant quelques lignes, nous alors plonger dans la vie d’une esclave au 19 siècle en Guadeloupe.

Honorine Duhamel et Charlise Miath, les arrières-grands-mères de Jessica.

« Je suis Jessica Maëlie Cheral et je suis une guadeloupéenne qui veut vous raconter son histoire : l’histoire de mes arrière-grand-mères plus précisément. 

Sur cette photo, vous pouvez voir deux magnifiques femmes : à gauche, c’est mon aïeule, mamie Honorine Duhamel, et à droite sa fille, mamie Charlise Miath (de son nom de jeune fille Duhamel). Mamie Honorine était descendante d’esclave, oui, car sa maman en était une. Je n’ai pas personnellement eu le temps de la connaître, mais j’ai eu la chance que sa fille mamie Charlise me raconte son histoire et ce que sa grand-mère vivait dans les anciennes plantations. Avant que mamie nous quitte, elle et la femme de son fils, ma grand-mère, madame Miath Céline Huguette, ont pu me raconter bien des histoires sur la vie dans les plantations à l’époque de la maman de mamie Honorine. Quand j’était petite, avec ma jumelle, ont adoraient s’asseoir et les écouter parler.

Je me rappelle une petite anecdote qui m’a marqué : 
À l’époque, comme vous le savez, les femmes plutôt belles travaillaient dans la grande maison ou la dans la « maison des maîtres » autrement appelé. Sa maman était une femme, grande et belle, de couleur caramel cuivre, une belle peau chabine comme on n’en voit pas partout. Elle travaillait dans la grande maison. 
Mon arrière-grand-mère et ma grand-mère nous disaient que la maman de mamie Honorine avait peur de se retrouver seul dans la maison quand la maîtresse s’en allait à l’extérieur. Vous me direz pourquoi ? 
Parce qu’en l’absence de la maîtresse, le maître en profitait des filles de la maison. La maman de Honorine avait peur alors, à chaque fois que c’était le cas, elle trouvait le moyen de s’enfuir de la maison et de disparaître le temps que la maîtresse revienne dans les parages. C’était horrible psychologiquement pour elle. Je ne savais pas à l’époque que « cette pratique » s’appelait le droit de cuissage. Quand je demandais à mes grand-mères, elles me répondaient souvent : « tu le sauras quand tu seras plus grande ». Maintenant, que j’ai grandi et que je sais ce que c’était, j’ai aussitôt compris la peur de mamie Honorine pour sa maman.

Chabin(e) = Dans la caraïbe, le terme chemin est utilisé pour désigner un individu au teint clair, mais avec des traits africains, et des cheveux crépus. À l’époque, on disait aussi que les cheveux avaient une particularité, notamment à travers la couleur, qui pouvait être blonde ou rousse. À l’origine, c’était un terme péjoratif, qui était utilisé par les colons afin de mépriser leurs esclaves à la peau claire. Ainsi, le mot chabin désignerait le croisement entre un bélier et une chèvre. Il désignerait aussi le mouton qui a des poils roux, pour faire référence aux personnes claires qui naissaient avec les cheveux roux. Bien que les vraies significations soient négatives, on observe que les populations antillaises utilisent toujours, certains termes dits « coloniaux ». La plupart des caribéens connaissent les vrais sens, mais ces termes ont été banalisés et intégrés dans les cultures locales. Ce qui signifie que lorsqu’ils sont employés, les individus ne cherchent pas à offenser, mais plutôt à décrire une personne.

Les autres esclaves, plus foncés comme mon papa, à l’époque, cultivaient la terre et les champs de canne à sucre qui était à ce moment-là, la mine d’or la plus rentable de l’île. Mamie nous disait, qu’ils travaillent si durs sous le soleil pendant toute la journée, mangeaient dans la plantation. 
Ainsi, à la fin de la journée, ils devaient ramener un certain kilo qui permettrait de garder le commerce toujours florissant. Sauf que si ce nombre de kilos n’était pas atteint, ils se prenaient une correction avec le fouet.

Le dos de certains pouvait être en lambeaux, les femmes soignaient tout ça avec une pommade qui ressemblait à de la vaseline, sinon, c’était du miel avec des « rimèd razié » pour atténuer la douleur. 

Une seule question me taraude l’esprit : il, y a-t-il eu des femmes de ma famille qui ont été violées ou qui ont eu des enfants du fruit de cet acte ? 
Depuis des années, cette question reste sans réponse.

En grandissant ma curiosité envers ce qu’il s’est passée dans la vie de mes ancêtres a grandi à un point où, les recherches dans les archives pour retrouver la trace de chaque membre de ma famille se sont multipliées. J’ai également fait un test pour savoir quelles étaient mes origines exactes. 

Mes ancêtres esclaves étaient nigérians, dans les générations suivantes ont suivi un métissage avec des indiens locaux, mais aussi ceux qui sont venus d’Inde par la suite. Quelques fois avec ma grand-mère, on pouvait regarder des films ou séries sur l’esclavage à l’époque à la télévision sur la célèbre chaîne France Ô. Tout ça ressemblait tellement à ce que mes grand-mères me racontaient, que je pouvais être si noire de tristesse et de colère. À travers ces images, tout se retranscrivait parfaitement, ce que mes ancêtres avaient vécu, ce qui nous révoltait. 
Mais en y repensant aujourd’hui, je vois la richesse que j’ai d’avoir eue des femmes formidables qui se sont battues aussi longtemps pour faire en sorte que je connaisse cette histoire que je transmettrai à mes futurs enfants ou neveux et nièces. J’ai eu cette chance de naître dans une famille de conteuses d’histoire, qu’elles soient réelles ou folkloriques, historiques ou fantastiques.

Indiens locaux = indiens d’Amériques, autochtones, amérindiens ou indigènes. Ces populations étaient les premières civilisations des territoires caribéens. Suite à l’arrivée des européens vers les années 1600, la plupart d’entre eux ont été exterminés, mais beaucoup ont également survécus. On dit qu’ils ont été réduits en esclavage, en même temps que les africains. Ainsi, il reste assez difficile de mettre un nombre sur les amérindiens ayant survécus aux Antilles Françaises, car l’histoire a souvent rappelé qu’ils n’existaient plus dans ces territoires (par contre dans les territoires anglophones, ils étaient plus nombreux). Or, beaucoup de guadeloupéens et martiniquais, attestent qu’ils ont des aïeux amérindiens, qu’ils appellent plus communément « Caraïbe ».

Par cet article que j’ai écrit, j’aimerais dire que mes grand-mères de là-haut que je les aime du fond du coup, et je remercie toujours ma grand-mère, la mère de mon papa, de continuer avec ses sœurs de me raconter toutes ces histoires.

Voici l’histoire de mes arrière-grand-mères, mamie Honorine Duhamel et mamie Charlise Miath. » 

Merci à vous.

Merci à toi Jessica pour ce récit. Nous t’en sommes reconnaissants. Pour ceux qui souhaitent aussi partager des anecdotes sur leurs aïeux et l’esclavage, vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : histoirecaraibe@laposte.net

Michèle, fille d’un couple martiniquais arrivés en Hexagone dans les années 60

Michèle est une cinquantenaire née en 1970 à Paris de deux parents martiniquais. Dans sa jeunesse, elle grandit dans la capitale qu’elle chérit tant, et se rend régulièrement en vacances aux Antilles.

Cependant, elle considère qu’elle n’a pas toujours été bercée dans cette culture antillaise, et qu’elle a surtout renoué avec ses racines, a l’âge adulte.

Depuis quelque temps, elle est la créatrice d’une page Instagram Mémoire d’une terrienne, ou elle partage son parcours, et son histoire familiale.

Bonjour Michèle, merci d’avoir accepté de répondre à mon questionnaire. Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle donc Michèle, je suis née à Paris et j’y ai vécu pendant plus de 30 ans. J’ai vécu 15 ans en Seine-et-Marne et depuis 4 ans, je vis en Touraine. 

J’ai commencé à travailler dès l’âge de 19 ans dans un hôpital parisien, dans un laboratoire d’analyses sanguines en tant que secrétaire. J’ai tourné dans plusieurs services dont la radiologie, services de consultation, accueil/standard. Au bout de 15 ans dans ce domaine, j’ai décidé de me reconvertir en tant qu’esthéticienne, j’ai fait une demande de Fongecif et j’ai passé mon CAP à 30 ans. Pendant cette formation, je me suis rendu compte que l’activité en institut ne me plaisait pas du tout et j’avais une large préférence pour le conseil et la vente en parfumerie. N’ayant pas trouvé de poste fixe, je suis retournée à l’hôpital en tant que secrétaire aux ressources humaines. Sept ans plus tard, j’ai fini par être embauchée dans une grande chaîne de parfumerie en tant que conseillère. Ma carrière professionnelle s’est arrêtée pour des raisons de santé et j’ai une invalidité depuis 8 ans.

C’est à ce moment que j’ai commencé à écrire des articles sur la beauté, le bien-être et petit à petit, j’ai publié sur des sujets de société qui me tenaient à cœur. Puis j’ai eu envie de partager mon expérience face aux épreuves à travers mon premier livre. Puis j’ai écrit un deuxième qui raconte l’histoire d’une femme d’origine antillaise née à Paris, les différents courants musicaux qui ont marqué sa jeunesse et les préjugés auxquels elle a dû faire face. Le troisième livre traite des violences conjugales. Ils ne sont plus disponibles à ce jour. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai créé le compte Instagram Mémoires d’une Terrienne. Au début, je partageais des photos accompagnées toujours de quelques mots. Et puis l’envie d’écrire mes souvenirs comme dans mon livre, mais sous un autre format, s’est faite ressentir. Ton compte m’a aussi motivée à le faire.

Michèle lors de son baptême à l’âge de 4 mois.

De quel territoire caribéen es-tu originaire ?

Je suis originaire de la Martinique par mes deux parents.

Michèle et son père lors de vacances en Martinique dans les années 70.

Quelle est ton histoire familiale ?

Mon père est arrivé en Métropole par le service militaire et ma mère par le Bumidom en 1967. Mon père est rentré à la RATP en tant que conducteur de métro, puis a gravi les échelons en interne ; ma mère a travaillé en tant que secrétaire dans un cabinet médical puis a trouvé un emploi dans un hôpital (celui dans lequel j’ai travaillé), en tant que gestionnaire de stock de la papeterie et du matériel médical puis a évolué en tant que responsable.

La Caraïbe est composée de diverses migrations humaines, sais-tu de quelle communauté descends-tu ?

j’ai des origines africaines et blanches par ma mère (son père était mulâtre), et j’ai des origines indiennes par mon père. 

Le terme mulâtre était un terme qu’on utilisait à une certaine époque, pour désigner une personne au teint clair, et qui est issu d’un métissage noir-blanc. Aussi, c’était en réalité un terme péjoratif, car il provient du mot mulet, qui est le croisement entre une jument et un âne. Vous l’avez compris, ce terme était utilisé par les colons pour mépriser toutes les personnes blanches, s’étant unis avec des personnes noires. Ce mot à par la suite été repris par l’ensemble des populations antillaises. Aujourd’hui, c’est un terme qui est peu utilisé chez les jeunes. Pour désigner une personne issue d’un métissage, on parle plutôt de « métis ».

Comment as-tu vécu avec ses racines caribéennes ? Tes parents, t’ont-ils transmis leur culture antillaise ? Si oui, de quelle manière ?

Je suis née à Paris, et même si je partais presque toutes les vacances d’été à la Martinique, je n’ai pas vraiment reçu la culture antillaise. Mes parents ne parlaient jamais le créole à la maison, on mangeait très peu de spécialités sauf pour les fêtes, j’ai surtout reçu une éducation parisienne. Je dois avouer que la vie antillaise ne m’intéressait pas plus que cela. Adolescente, je n’aimais pas trop y aller, je m’y sentais étrangère. Ce n’est pas facile de s’intégrer quand on vient de la Métropole et particulièrement de Paris… J’en parlerai plus en détail sur mon compte.

Michèle enfant devant les disques de ses parents. Elle considère que la musique a une place importante dans sa vie, et qu’elle a particulièrement caractérisé plusieurs périodes de sa vie.

As-tu où as-tu eu des liens avec tes grands-parents ?

Ma grand-mère maternelle était malade et je l’ai très peu connue. On allait en vacances chez ma grand-mère paternelle qui a vécu suffisamment longtemps pour connaître mes enfants.

As-tu des enfants ? Si oui, comment tu leur transmets ton héritage culturel ?

J’ai deux enfants et je ne leur ai pas transmis la culture antillaise, car ne l’ayant moi-même pas reçue, cela était compliqué. Ils ont tout de même été en Martinique quand ils étaient petits, mais ce n’était pas suffisant pour qu’ils s’imprègnent de la culture. Plus tard, dans leur vie de jeune adulte, ils m’ont posé plein de questions sur nos origines. C’est grâce à eux que je me suis enfin intéressé à mon histoire. J’ai même fait mon arbre généalogique.

Comment préserves-tu et comment vis-tu ton héritage martiniquais au quotidien ?

Je préserve mon héritage en partageant mon histoire, en suivant des comptes inspirants comme le tien 😉 , ou en écoutant de la musique antillaise. Mon mari n’est pas Antillais, mais étant cuisinier, il nous prépare d’excellents plats antillais. Il est vrai que depuis que je vis en Touraine, je fréquente moins la communauté, voire pas du tout. Mais heureusement que les réseaux sociaux existent pour maintenir un certain lien. 

L’autre moyen de garder le lien avec mes origines est l’écriture. Le fait d’avoir écrit mon histoire à travers un livre et de continuer à le faire sur Instagram, puis par le commencement d’un autre blog, préserve toujours mon lien avec la Martinique. 

Quelle est la dernière fois où tu t’es rendu en Martinique ?

La dernière fois que je suis allée en Martinique, c’était en novembre 2017, à la période de la Toussaint. C’était la toute première fois que j’allais au cimetière, me recueillir auprès des miens, ce fût très émouvant… j’espère y retourner très prochainement.

Si vous voulez vous procurer le l’ouvrage de Michèle, il est actuellement disponible à la FNAC : https://livre.fnac.com/a12517662/Michele-Crepin-Et-j-ai-garde-mon-afro-pour-mieux-danser-sur-la-tete

Merci à toi Michèle ! ♥️