5 descendants syro-libanais de Guadeloupe, Martinique, et Haïti

Les populations caribéennes sont composées de plusieurs communautés, dont les groupes sont successivement arrivés dans les territoires. En premier lieu, il y a eu les premiers peuples (les amérindiens), les africains, les européens ainsi que les asiatiques. Pourtant, il existe une énième communauté dont on parle peu en-dehors des territoires : les syro-libanais.

Comme de nombreuses populations immigrantes dans la Caraïbe, le peuple syro-libanais est arrivé dans des contextes bien précis.

Tout d’abord, il faut savoir qu’aux Antilles, pour désigner une personne issue de la communauté arabe ou perse, les gens auront tendance à la qualifier de « syrien » ou de « libanais ». Pourtant, tous ne sont pas forcément originaires de la Syrie ou du Liban.

En effet, lorsque les premières populations originaires du moyen-orient sont venues s’installer aux Antilles, ils étaient originaires de la Syrie, mais aussi de la Jordanie, de la Palestine, de la Turquie, du Liban…

Les premiers seraient arrivés quelques années après la fin de l’abolition de l’esclavage dans les Caraïbes, par rapport aux nombreuses instabilités socio-politiques de leurs pays = conflits inter-ethniques, religieux, pauvreté…

Ainsi, c’est à partir de la fin des années 1860 que la première vague s’est installée en Guadeloupe, comme en Martinique, en Guyane, en Jamaïque ou encore à Haïti… On dit que les premiers étaient de confession catholique, et qu’ils pensaient d’abord fuir vers les États-Unis d’Amérique. Cependant, beaucoup auraient eu la surprise de s’être retrouvé dans des ports maritimes aux Antilles ou encore en Amérique du Sud.

Faute d’argent, les familles n’avaient pas la possibilité de financer de nouveaux billets pour l’Amérique du Nord. C’est comme cela qu’ils se sont retrouvé à s’installer dans les territoires caribéens.

Par la suite, il y a eu d’autres vagues d’immigration, notamment dans les années 1920, 1950, ou encore dans les années 1980.

Dans la Caraïbe, les syro-libanais sont connus pour avoir une certaine position économique. On dit qu’ils ont d’abord commencé par vendre de la marchandise de ville en ville, ce qu’on appelle le « colportage », avant d’acquérir de nombreux commerces.

Plus d’un siècle après leur arrivée, les descendants des premiers syro-libanais demeurent toujours présents dans les territoires caribéens. Nous pouvons compter à ce jour, plusieurs générations de familles qui sont nées et qui ont grandi dans ces mêmes territoires. Certains ont toujours des liens avec le Liban ou la Syrie, tandis que d’autres n’en ont plus.

La plupart se font fondus dans les sociétés caribéennes, dont ils ont pour langue maternelle les créoles ou patois régionaux. En créole selon les territoires, on les désigne de la manière suivante : sirien, libanè, bwèt nan dot ou arab bwèt nan dot (créole haitien)

Après avoir fait un focus sur les populations noires et indiennes, je décide de m’intéresser à cette population. Je vous remercie d’avance pour tous les repartages que vous avez effectué suite à mon annonce il y a plusieurs semaines.

Grâce à vous, j’ai pu rencontrer de nombreux syro-libanais des Antilles qui ont su m’éclairer sur leur histoire. Merci d’avance à Stéphanie, Sara, Cindy, Estelle et Ambre ♥️

Zone Guadeloupe

Stéphanie

Je m’appelle Stéphanie ELMUDESI, je suis d’origine guadeloupéenne et mon père est issu de parents d’origine libanaise. C’est la famille de mon grand-père plus précisément, qui est issu d’une famille libanaise qui avait d’abord immigré en République Dominicaine. Par la suite, ils sont venus s’installer très jeunes en Guadeloupe. Ainsi, je sais que j’ai toujours des cousins là-bas.

La famille de mon père a grandi au Raizet aux Abymes, et plusieurs de mes oncles et tantes se sont unis avec des personnes issues des autres communautés : indienne, métropolitaine et noire pour ma mère.

Le père de ma grand-mère
Voici ma grand-mère lorsqu’elle était enfant avec ses frères et soeurs.
C’est la famille NICOLAS

Estelle

C’est mon grand-père paternel (syrien) qui est le premier de sa famille à être arrivé en Guadeloupe dans les années 50.
Il a rencontré ma grand-mère (libanaise) et ils ont eu mon père qui est né en Guadeloupe.
Quant à ma mère, elle a rencontré mon père en Syrie et est arrivée en Guadeloupe à l’âge de 20 ans.

Après leur arrivée, mes grands-parents paternels et ma grand-mère maternelle ont ouvert un magasin de prêt à porter/chaussure/tissu à Basse-Terre.
Leurs enfants ont ensuite suivi le même schéma, en reprenant ces commerces et en ouvrant d’autres magasins toujours à Basse-Terre.

La communauté syro-libanaise s’est beaucoup intégrée à Basse-Terre. D’ailleurs, un de mes oncles est l’actuel maire de cette même ville.

Voici mes grands-parents maternels peu avant leur arrivée en Guadeloupe
Ma grand-mère paternelle

Zone Martinique

Cindy

Mon grand-père syrien de son nom Rajjouh, était commerçant au pays en Martinique. Je ne l’ai jamais connu, je n’ai qu’une belle photo de lui et les souvenirs de mon papa. Beaucoup était connu comme mon grand-père pour être des commerçants.

À l’époque, mon grand-père faisait crédit dans la boutique, il se faisait payer en légumes, petits plats , pour les familles dans le besoin.. la moitié de ses enfants et petits-enfants portent son nom à ce jour, l’autre moitié le nom de ma grand-mère Ouragan.

Je vis très bien mon mélange, et je suis curieuse d’en savoir plus sur la famille côté Syrie. Ayant été bercé dans la culture antillaise, de mon coté c’est vécu de manière positive, mais avec la sensation qu’il me manque quelques pièces importantes au puzzle.

C’est vers l’âge de mes 14 ans que j’ai appris que nous avions une autre origine, car on vivait avec sans en parler, mais aussi parce que c’est la culture noire qui a toujours primé.

Voici mes grands-parents paternels, mon grand-père syrien qui a épousé ma grand-mère une femme noire.

Ambre

Ambre lorsqu’elle était enfant avec sa soeur et sa maman (descendante de syro-libanais)

Bonjour, je m’appelle Ambre et je suis martiniquaise de père noir et de mère syro-libanaise.

D’après le récit de mon oncle (le frère de ma maman), mon grand-père Joseph Haddad est arrivé en escale en Martinique, en route pour rejoindre son frère au Brésil. Seulement, il n’est jamais reparti, car il a eu un coup de cœur pour la Martinique. Il est resté avec la communauté syrienne Aboud etc… Il a sillonné la campagne en vendant des peignes, du tissu et autres babioles, puis il a eu son premier magasin au Lamentin avant d’en acquérir un autre à Fort-de-France en 1950.

Ensuite, il est parti en Syrie pour y trouver une épouse, et c’est à cette occasion qu’il épousera ma grand-mère Jeannette qui n’avait que 16 ans. Avec les femmes syriennes de l’île elle aura tout appris : cuisiner, la langue française…
Mon grand-père lui ne s’exprimait qu’en créole ou en arabe.

Les prénoms de mes grands-parents, avant qu’ils ne les abandonnent, étaient Youssef et Hanné.

Les grands-parents d’Ambre en Martinique à l’époque

Zone Haïti

Sara

Bonjour, je m’appelle Sara et je suis descendante syro- libanaise née en Haïti.
Mon arrière-grand-père s’appelait Hanna Assali et vient de la ville de Rachaya Al Wadi au Liban. Il avait deux autres frères qui eux ont été en Colombie et à Cuba, et dont nous n’avons plus vraiment de nouvelles de cette branche de la famille.
En Haïti, mon arrière-grand-père a eu deux enfants avec une femme haïtienne qui était métisse et qui s’appelait Ruth Gachette. Deux enfants naîtront de cette union, dont Josephine Assali (ma grand-mère) et Joseph Assali.

Hanna mon arrière-grand-père
Ma grand-mère Joséphine

Ma grand-mère Josephine a épousé mon grand-père Edouard Afllack (notre nom de famille a par la suite été changé quand il a eu 30 ans, puisqu’à un moment en Haïti, les Levantins étaient chassés pour des raisons politiques). Edouard Afflack est le fils d’un Syrien Elias Afflack, venu de Damas et d’une métisse haïtienne Carmela Vanté.

Les voilà plus âgés ❤️ ma grand-mère Joséphine et mon grand-père Edouard

Pour finir, il y a eu plusieurs vagues d’immigration en Haïti. Encore plus récemment, plusieurs syriens sont venus en Haiti suite à la guerre qui a commencé en 2010. Ces jeunes sont venus pour échapper à l’obligation de faire le service militaire. Certains sont repartis à cause des problèmes politiques de ces derniers mois, mais il en reste quelques-uns. Ainsi, la majorité est originaire de la région de Tartous.

Pour aller plus loin, voici des vidéos qui traitent le sujet et que j’ai retrouvé sur Youtube :

Les Syro-libanais d’Haïti

Les Syro-libanais de Guadeloupe

Les Syro-libanais de Martinique

Sinon, il y a aussi des articles :

https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/2015/09/12/une-famille-martiniquaise-d-origine-syrienne-raconte-son-histoire-286341.html

https://www.lepoint.fr/societe/la-martinique-a-accueilli-des-migrants-syriens-il-y-a-80-ans-03-10-2015-1970405_23.php#11

https://www.lorientlejour.com/article/877/La_saga_des_Libanais_en_Haiti.html

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5 descendants de travailleurs indiens engagées de Guadeloupe et de Martinique

Si l’on se réfère à ce que beaucoup pensent, les Antilles et la région Caraïbe, sont des endroits ou les populations sont exclusivement descendantes de populations africaines.

Alors, oui, une grande majorité des personnes d’origine caribéenne descendent d’esclaves africains. Puisque le nombre d’africains qui ont été déportés vers cette région du monde, est élevé, par rapport aux autres migrations humaines.

Mais général, on a souvent tendance à oublier que d’autres groupes humains sont arrivés avant ou après la présence des africains aux Antilles. De ce fait, très peu savent qu’il y a des communautés indiennes, chinoises, syriennes, libanaises, ou portugaises, dans les différents territoires de la caraïbe. Les gens n’ont pas conscience que le peuple caribéen est un mixte de toutes ces populations, qui ont été amenées à cohabiter ensemble.

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Paroles d’esclaves avec Jessica Maëlie Cheral (Guadeloupe)

Hello à tous, aujourd’hui, je reviens vers vous, avec un article pas comme les autres. Suite à de nombreux échanges, je me suis aperçu que beaucoup d’entre vous, avez eu la chance de connaître vos arrière-grands-parents. Des ancêtres avec qui vous avez eu l’opportunité d’échanger avec, sur leur époque ou ceux de leurs propres ancêtres.

À travers ces récits, Jessica Maëlle Cheral souhaite nous partager les récits de ces deux arrière-grands-mères, toutes deux descendantes d’une arrière-grand-mère qui a vécu l’esclavage en Guadeloupe.

Oui, vous avez bien lu, Jessica possède en elles, de nombreuses anecdotes que ses aïeux esclaves ont vécus. Elle a eu cette chance de connaître ses ainés qui ont suffisamment vécu longtemps, pour avoir le temps de lui transmettre des récits précieux.

Durant quelques lignes, nous alors plonger dans la vie d’une esclave au 19 siècle en Guadeloupe.

Honorine Duhamel et Charlise Miath, les arrières-grands-mères de Jessica.

« Je suis Jessica Maëlie Cheral et je suis une guadeloupéenne qui veut vous raconter son histoire : l’histoire de mes arrière-grand-mères plus précisément. 

Sur cette photo, vous pouvez voir deux magnifiques femmes : à gauche, c’est mon aïeule, mamie Honorine Duhamel, et à droite sa fille, mamie Charlise Miath (de son nom de jeune fille Duhamel). Mamie Honorine était descendante d’esclave, oui, car sa maman en était une. Je n’ai pas personnellement eu le temps de la connaître, mais j’ai eu la chance que sa fille mamie Charlise me raconte son histoire et ce que sa grand-mère vivait dans les anciennes plantations. Avant que mamie nous quitte, elle et la femme de son fils, ma grand-mère, madame Miath Céline Huguette, ont pu me raconter bien des histoires sur la vie dans les plantations à l’époque de la maman de mamie Honorine. Quand j’était petite, avec ma jumelle, ont adoraient s’asseoir et les écouter parler.

Je me rappelle une petite anecdote qui m’a marqué : 
À l’époque, comme vous le savez, les femmes plutôt belles travaillaient dans la grande maison ou la dans la « maison des maîtres » autrement appelé. Sa maman était une femme, grande et belle, de couleur caramel cuivre, une belle peau chabine comme on n’en voit pas partout. Elle travaillait dans la grande maison. 
Mon arrière-grand-mère et ma grand-mère nous disaient que la maman de mamie Honorine avait peur de se retrouver seul dans la maison quand la maîtresse s’en allait à l’extérieur. Vous me direz pourquoi ? 
Parce qu’en l’absence de la maîtresse, le maître en profitait des filles de la maison. La maman de Honorine avait peur alors, à chaque fois que c’était le cas, elle trouvait le moyen de s’enfuir de la maison et de disparaître le temps que la maîtresse revienne dans les parages. C’était horrible psychologiquement pour elle. Je ne savais pas à l’époque que « cette pratique » s’appelait le droit de cuissage. Quand je demandais à mes grand-mères, elles me répondaient souvent : « tu le sauras quand tu seras plus grande ». Maintenant, que j’ai grandi et que je sais ce que c’était, j’ai aussitôt compris la peur de mamie Honorine pour sa maman.

Chabin(e) = Dans la caraïbe, le terme chemin est utilisé pour désigner un individu au teint clair, mais avec des traits africains, et des cheveux crépus. À l’époque, on disait aussi que les cheveux avaient une particularité, notamment à travers la couleur, qui pouvait être blonde ou rousse. À l’origine, c’était un terme péjoratif, qui était utilisé par les colons afin de mépriser leurs esclaves à la peau claire. Ainsi, le mot chabin désignerait le croisement entre un bélier et une chèvre. Il désignerait aussi le mouton qui a des poils roux, pour faire référence aux personnes claires qui naissaient avec les cheveux roux. Bien que les vraies significations soient négatives, on observe que les populations antillaises utilisent toujours, certains termes dits « coloniaux ». La plupart des caribéens connaissent les vrais sens, mais ces termes ont été banalisés et intégrés dans les cultures locales. Ce qui signifie que lorsqu’ils sont employés, les individus ne cherchent pas à offenser, mais plutôt à décrire une personne.

Les autres esclaves, plus foncés comme mon papa, à l’époque, cultivaient la terre et les champs de canne à sucre qui était à ce moment-là, la mine d’or la plus rentable de l’île. Mamie nous disait, qu’ils travaillent si durs sous le soleil pendant toute la journée, mangeaient dans la plantation. 
Ainsi, à la fin de la journée, ils devaient ramener un certain kilo qui permettrait de garder le commerce toujours florissant. Sauf que si ce nombre de kilos n’était pas atteint, ils se prenaient une correction avec le fouet.

Le dos de certains pouvait être en lambeaux, les femmes soignaient tout ça avec une pommade qui ressemblait à de la vaseline, sinon, c’était du miel avec des « rimèd razié » pour atténuer la douleur. 

Une seule question me taraude l’esprit : il, y a-t-il eu des femmes de ma famille qui ont été violées ou qui ont eu des enfants du fruit de cet acte ? 
Depuis des années, cette question reste sans réponse.

En grandissant ma curiosité envers ce qu’il s’est passée dans la vie de mes ancêtres a grandi à un point où, les recherches dans les archives pour retrouver la trace de chaque membre de ma famille se sont multipliées. J’ai également fait un test pour savoir quelles étaient mes origines exactes. 

Mes ancêtres esclaves étaient nigérians, dans les générations suivantes ont suivi un métissage avec des indiens locaux, mais aussi ceux qui sont venus d’Inde par la suite. Quelques fois avec ma grand-mère, on pouvait regarder des films ou séries sur l’esclavage à l’époque à la télévision sur la célèbre chaîne France Ô. Tout ça ressemblait tellement à ce que mes grand-mères me racontaient, que je pouvais être si noire de tristesse et de colère. À travers ces images, tout se retranscrivait parfaitement, ce que mes ancêtres avaient vécu, ce qui nous révoltait. 
Mais en y repensant aujourd’hui, je vois la richesse que j’ai d’avoir eue des femmes formidables qui se sont battues aussi longtemps pour faire en sorte que je connaisse cette histoire que je transmettrai à mes futurs enfants ou neveux et nièces. J’ai eu cette chance de naître dans une famille de conteuses d’histoire, qu’elles soient réelles ou folkloriques, historiques ou fantastiques.

Indiens locaux = indiens d’Amériques, autochtones, amérindiens ou indigènes. Ces populations étaient les premières civilisations des territoires caribéens. Suite à l’arrivée des européens vers les années 1600, la plupart d’entre eux ont été exterminés, mais beaucoup ont également survécus. On dit qu’ils ont été réduits en esclavage, en même temps que les africains. Ainsi, il reste assez difficile de mettre un nombre sur les amérindiens ayant survécus aux Antilles Françaises, car l’histoire a souvent rappelé qu’ils n’existaient plus dans ces territoires (par contre dans les territoires anglophones, ils étaient plus nombreux). Or, beaucoup de guadeloupéens et martiniquais, attestent qu’ils ont des aïeux amérindiens, qu’ils appellent plus communément « Caraïbe ».

Par cet article que j’ai écrit, j’aimerais dire que mes grand-mères de là-haut que je les aime du fond du coup, et je remercie toujours ma grand-mère, la mère de mon papa, de continuer avec ses sœurs de me raconter toutes ces histoires.

Voici l’histoire de mes arrière-grand-mères, mamie Honorine Duhamel et mamie Charlise Miath. » 

Merci à vous.

Merci à toi Jessica pour ce récit. Nous t’en sommes reconnaissants. Pour ceux qui souhaitent aussi partager des anecdotes sur leurs aïeux et l’esclavage, vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : histoirecaraibe@laposte.net

4 descendants de travailleurs engagés congolais, en Guadeloupe et en Martinique

En tant qu’antillaise, il y a énormément d’éléments dans l’histoire des Antilles, et de la région Caraïbe, que je ne savais pas. C’est à l’âge adulte, que je me suis mise à chercher et à comprendre davantage, sur les différents peuplements des territoires caribéens.

Comme beaucoup d’antillais d’ascendance noire et africaine, j’ignorais que dans une seule et même population noire, il y avait eu plusieurs vagues d’arrivées. Je m’explique, il y avait les esclaves africains arrivés avant 1848, et des travailleurs engagés africains arrivés après 1848. Mais quelle est la différence entre ces deux vagues de peuplement ? La différence, c’est que les esclaves africains arrivés avant 1848, venaient des différentes régions d’Afrique, et ont leur enlevait systématiquement leurs noms, prénoms, traditions… Ils avaient simplement des numéros/matricules pour les désigner, ils étaient vendus à des propriétaires, et ils étaient surtout officiellement reconnus en tant qu’esclave travaillant dans des plantations.

Or, pour les africains arrivés après 1848, ces derniers sont donc arrivés aux Antilles Françaises après l’abolition de l’esclavage. À cette période, l’esclavage étant aboli, il n’y avait plus personne pour travailler dans les plantations. Les autorités coloniales ont alors envisagé de faire venir des travailleurs engagés étrangers (africains, asiatiques et européens), qui viendraient travailler dans le cadre d’un contrat (5 ans).

C’est comme cela que des travailleurs engagés originaires du Congo, débarqueront en Guadeloupe et en Martinique à partir de 1857. Comme pour leurs prédécesseurs, ils arrivent à bord de plusieurs navires ou les passagers sont à la fois des adultes (hommes et femmes) ainsi que des enfants.

Selon les historiens, 15 121 congolais sont arrivés en Guadeloupe jusqu’en 1851, et 10 521 sont arrivés en Martinique, jusqu’en 1862. Ils seront logés dans les anciennes habitations des anciens esclaves, et ils travailleront pour les anciens propriétaires.

Normalement, selon les contrats qui ont été établis, ces derniers devaient travailler un temps puis retourner en Afrique, une fois le contrat terminé. Cependant, une bonne majorité restera en Guadeloupe et en Martinique. Les billets de retour étants trop chers et n’ayant pas forcément beaucoup économisé, les congolais n’ont pas eu cette opportunité de retourner chez eux. C’est une population qui a alors finit par s’installer définitivement dans leur pays d’accueil, et ils se sont fondus dans la société antillaise.

De plus, lorsqu’ils venaient d’arriver sur ces territoires, ils ont souvent fait l’objet de moqueries de la part de la société noire créole (les descendants d’esclaves africains déjà installés depuis des générations). En effet, pour la population locale, l’Afrique restait un territoire inconnu avec beaucoup de préjugés et de mépris. Les congolais ne comprenaient par exemple pas le créole et ils tentaient de préserver leurs propres traditions également (gastronomie, musique, danse, cultes…).

Néanmoins, les générations ont passé et les travailleurs congolais sont une partie intégrante des sociétés antillaises actuelles. Premièrement, la population locale ne fait plus forcément de distinction. Deuxièmement, il y a un grand nombre de guadeloupéens et de martiniquais qui ont probablement des ancêtres KONGO/NÈG KONGO (c’est comme cela qu’on les appelait), mais qui ne le savent pas. Tout simplement parce que la transmission ne s’est peut-être pas faite au fil des générations.

De cette histoire, il reste principalement plusieurs noms de famille qui existent encore dans les deux îles. Des patronymes qui sont donc portés par les descendants : Massembo, Goma, Moanda, Angloma…

Alors comme je ne fais pas les choses à moitié, je ne me suis pas contenté de vous rédiger un simple article. Grâce à la page Instagram du site, j’ai tenu à faire mes propres recherches, afin de retrouver des éventuels descendants de Kongo aux Antilles françaises. Plusieurs d’entre-vous m’ont alors répondu, et ont accepté de témoigner ici.

Je les remercie d’avance, et je vous dis à très vite pour un nouvel article. Merci à Axel, Noëlla, Pascaline et Orlane pour leurs récits et leurs archives.

AXEL

Je m’appelle Axel et je suis descendant de travailleurs congolais, du côté de ma mère.
Mon premier ancêtre Kongo avait pour nom de famille Kalanda. On le surnommait Jean, il était père de deux enfants dont Jeannille et il travaillait dans l’habitation Bologne à Saint-Claude. Malheureusement, je n’ai pas plus d’informations que ça. Mon arrière-grand-mère Stéphanie qui était l’arrière-petite-fille de cet homme, n’a aussi pas plus d’informations.
Elle est toujours vivante, mais puisqu’elle a perdue sa maman Marie-Celestine (fille de Jean Kalanda) à l’âge de 8 ans, elle n’a pas eu le temps d’en savoir plus. De mes dernières recherches, le fief des Kalanda reste la ville de Saint-Claude en Guadeloupe.

NOËLLA

Je m’appelle Noëlla et mon arrière-arrière-arrière-grand-père était un engagé du Congo. Ce dernier est arrivé après l’abolition de l’esclavage, et il s’appelait Jean Makaïa (à l’origine, ça s’écrivait Makaya, puis le nom a été modifié). Je n’ai pas plus d’informations, mais je sais qu’il est enterré au cimetière de la ville du Moule (Nord de la Guadeloupe). Son fils qui était le grand-père maternel de ma maman travaillait en tant que contremaître à l’Usine Gardel (je crois qu’aujourd’hui, c’est là où se trouvent les activités de Damoiseau). Ainsi, il a épousé une femme de la famille Ramier.

Après les dires de ma grand-mère, j’ai effectué mes propres recherches de mon côté. J’ai alors tapé le nom Makaïa dans la base de recherche du site Anchoukaj, et je suis alors tombé sur une liste de travailleurs engagés du Congo. Je ne possède malheureusement pas de photos de cet aïeul venu du Congo, mais j’ai une photo de son fils Jean Makaïa.

Pascaline

Je m’appelle Pascaline, et je suis descendante d’engagés du Congo du côté de mon père martiniquais. Premièrement, les deux parents de mon grand-père paternel Antoine Mi-Poudou, sont tous les deux des descendants de familles immigrantes africaines. Son père était un Mi-Poudou et sa mère une Moussanga. Mon arrière-grand-mère Adélaïde MOUSSANGA est issue d’une famille d’immigrants africains, enrôlés avec un contrat de 10 ans. Ayant fait des recherches généalogiques, j’ai été amené à me rendre à Aix-en-Provence pour consulter des archives. Ainsi, je suis tombée sur des cartons d’archives, avec l’histoire de l’immigration africaine en Martinique après l’abolition de l’esclavage. J’ai pu retrouver la liste des noms des navires, les numéros des immigrants, le nombre de convois…

Le grand-père paternel de Pascaline, Antoine Mi-Poudou

Puis nous avons enfin Orlane, une énième descendante d’engagés congolais

Je m’appelle Orlane Louemba, j’ai 34 ans et je vis en Essonne en région parisienne. Ma famille est originaire du François en Martinique. Je n’ai pas beaucoup d’éléments, mais selon les anciens de ma famille, nous descendons de deux frères Louemba qui étaient tous deux originaires du Congo. Ils sont arrivés en Martinique afin de travailler dans la mécanique et ils ne sont jamais retournés en Afrique. Ils sont restés en Martinique jusqu’à leur mort.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, voici un lien qui retrace en quelques lignes, les différentes immigrations aux Antilles :

https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_2008_num_1274_1_4761

https://site.ac-martinique.fr/histoire-geographie/wp-content/uploads/sites/15/2021/10/lengagisme.pdf