De mes plus lointains souvenirs, j’ai découvert Gaël Rapon à travers une créatrice de mode, dont je suivais le parcours depuis mes 17/18 ans. À l’époque, je sors à peine du lycée, et je découvre cette jeune marque qui rend hommage à la photographie africaine et aux communautés africaines de France.
La marque met en avant ses produits à travers des modèles et des décors atypiques. Celui qui se cache alors derrière l’objectif n’est autre que Gaël.
Gaël fait partie de ces premières générations d’enfants antillo-guyanais nés en hexagone. Lorsque je découvre son univers, je ressens beaucoup d’affirmation et de préservation de ses racines. Il me fait aussi penser à mes cousins et cousines qui sont nés à la même période que lui, et j’aime beaucoup les clichés qu’ils prend au quotidien. Des photographies qui mettent une image sur les différentes communautés de Paris, les moyens de locomotion les plus populaires d’Île-de-France, les célèbres salons de coiffure afro-caribéens de la capitale…
Dans le cadre d’Histoire Caraïbe, il était alors naturel pour moi qu’on échange ensemble sur son histoire, en tant qu’homme antillais ayant vécu entre les Antilles et la Métropole.
Bonjour Gaël, merci d’avoir accepté de répondre à mon questionnaire. Peux-tu te présenter ?
Je suis Gaël Rapon, je suis née à Ivry-sur-Seine dans le 94 (Val-de-Marne), et je suis âgé de 41 ans.

De quel territoire caribéen es-tu originaire ?
Je suis originaire de la Martinique.
Quelle est ton histoire familiale ?
Ma mère est arrivée en France à l’âge de 12 ans. Elle avait rejoint ma grand-mère qui était partie 5 ans plus tôt, afin de s’émanciper professionnellement, mais avant tout, pour fuir les coups et la violence de son mari.
Ma mère se souvient du froid, du choc culturel, des regards, mais aussi de la gentillesse de certains camarades.

La Caraïbe est composée de diverses migrations humaines (indigènes, africains, européens, asiatiques, arabes). Sais-tu de quelle communauté descends-tu ?
Je sais que la première « Rapon » à avoir été nommée « Rapon Reinette » était peule. Un test ADN, plus tard, me dira que le Nigéria est aussi un des berceaux de mes ancêtres.

L’ethnie Peule est à ce jour l’une des plus grandes ethnies d’Afrique. On dit que les ancêtres des Peuls étaient des bergers et commerçants, mais aussi de grands voyageurs et de grands guerriers. En effet, ces derniers ont joués un rôle fondamental, dans les différentes guerres qui ont rythmé les royaumes du continent.
L’origine exacte de ce peuple reste malgré tout assez confuse, car plusieurs historiens amènent plusieurs thèses. Certains avancent que les Peuls seraient originaires d’Égypte, tandis que d’autres indiquent que leurs origines pourraient se trouver en Éthiopie ou en Afrique du nord.
Ainsi, lors de la traite négrière et la colonisation, les Peuls n’ont pas échappé aux commerces des esclaves.
Selon les différentes côtes africaines, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, ont été capturés et réduits en esclavage aux Amériques. De ce fait, de nombreux caribéens descendent de cette ethnie.
— Histoire Caraïbe
Comment as-tu vécu avec ses racines caribéennes ? Tes parents, t’ont-ils transmis leur culture antillaise ? Si oui, de quelle manière ?
Et bien au départ, c’était un peu confus, j’ai eu besoin de me renseigner au-delà de ce que j’étais. Et puis échanger avec beaucoup d’amis antillais.
J’observais également beaucoup…
J’étais entourée d’une communauté antillaise où j’ai grandi dans le 91 à Vigneux-sur-Seine. Haïtiens, Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais…
Vigneux c’est très populaire, c’est un petit Brésil.
Mes parents m’ont transmis…
Ma mère, mes grands-parents, mes oncles et tantes m’ont transmis la langue, l’amour de la cuisine ou de bien manger.
Mon père m’a transmis le rythme, la musique.


As-tu où as-tu eu des liens avec tes grands-parents ?
Mon papy m’a appris à observer, ma mamie son amour des fleurs.
Mon papy me contait aussi des contes et des fables valeureuses « yékrik yékrak » (c’est une expression traditionnelle et orale aux Antilles Françaises, que les conteurs utilisent avant le récit d’une histoire). Lorsque nous devions aller nourrir les animaux le soir, il me laissait seul dans les criques. Le matin, aussi, lorsqu’il fallait traire les vaches et faire la distribution du lait, il m’éveillait à beaucoup de choses.
Puis dans les années 80 en Martinique, il y avait des lucioles qui s’envolaient vers 19h, c’était magnifique.
Ma grand-mère, c’était tout le monde végétal floral. Avec elle, je commençais à me percher vers la contemplative, vers 20h ou un peu plus tôt. On regardait les berceaux de Moïse s’ouvrir et diffuser leur parfum pendant qu’elles fredonnaient.
Tout cela a fait l’homme que je suis aujourd’hui. J’utilise tous ces savoirs à travers mon travail qu’est la photographie. J’accompagne les gens à de l’ancrage et à du lâcher prise. Je dois tout cela à mes grands-parents.


As-tu des enfants ? Si oui, comment tu leur transmets ton héritage culturel ?
J’ai 3 enfants et ce n’est pas chose aisée, mais je fais tout pour qu’ils bénéficient des deux cultures, à travers des contes, de la musique, par la langue.



Comment préserves-tu et comment vis-tu ton héritage martiniquais au quotidien ?
Je ne pense pas avoir besoin de préserver mon héritage.
Il vit en moi au travers de tout ce que l’on m’a transmis oralement, et tous mes ancêtres me guident.
Je me sens entourée de ma culture, et puis la communauté est grande.
Je ne suis pas seul.

Quelle est la dernière fois où tu t’es rendu en Martinique ?
Je suis retourné en Martinique en 2017.
As-tu eu l’occasion de découvrir d’autres territoires caribéens ?
Oui, j’ai visité l’île de Cuba.
En-dehors de tes activités de photographe, tu es aussi le créateur d’une ligne de tee-shirt, que tu as prénommée Nou o konba, quelle est la genèse de ce compte ?
Nou o Konba revient bientôt. C’est une ligne de tee-shirt qui prône que l’amour est une force.
Je développe actuellement d’autres modèles avec de nouvelles thématiques.
Le premier message était ultra fédérateur ! Ça me faisait très plaisir de véhiculer de belles valeurs de vie qui plus est dans notre langue.
« Papi aimait s’asseoir au pied d’un arbre et en fixant une étoile, il disait : je veux et prétends découvrir ton pouvoir infini »
Papi parlait et caressait les arbres.
C’est ma culture.
Merci à toi Gaël ♥️ Voici son site internet pour ceux qui souhaitent découvrir son univers https://www.gaelrapon.com
Merci pour ce partage. Il y a tant d’histoires de notre communauté, de nos origines à découvrir.
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